Recueil de récits, de témoignages de personnes anonymes, cotoyant ou ayant cotoyé de près la prison, dans ses rouages, son fonctionnement, sa routine.
On peut ainsi se familiariser avec le langage spécifique au monde carcéral : les matons, la cantine, les pointeurs...
Cet ouvrage donne une bonne vision du déroulement de la vie - théorique - en milieu carcéral. Il aborde des aspects divers et variés, qui vont de l'accueil du détenu arrivant à la prise en charge du détenu mineur, en passant par la détention des femmes. Dans des considérations plus pragmatiques, on abordera les rythmes réguliers des journées dictées par des horaires fixes, mais encore l'accès du détenu au culte de son choix. A ce titre, le recueil des paroles d'un aumônier est édifiant sur comment est perçu le culte et à quelles fins il est choisi.
D'une manière générale, il s'agit d'une présentation très livresque, un genre de catalogue de tout ce qui touche à la prison. Intéressant mais parfois un peu lourd, il en vient à oublier le côté humain. Il aborde effectivement des enjeux qui dépassent la simple condition humaine et le ressenti de toute personne enfermée, notamment avec des problématiques qui touchent tout droit la condition du détenu, par exemple la privatisation croissante des établissements pénitentiaires. Vaste question qui s'inscrit dans un programme législatif qui n'est pas sans détracteur, pléthore d'agents pénitentiaires mais également d'autres personnes qui ne sont pas directement en lien avec l'administration pénitentiaire, dénoncent une politique du chiffre et une déshumanisation progressive de ces nouveaux centres pénitentiaires qui fleurissent sur notre territoire...
Ce recueil de témoignages donne ainsi une très bonne idée de "comment ça se passe en prison", "qui est amené à intervenir"... C'est un très bon moyen, quoique un peu long, pour se faire une idée. Redondant quand on est déjà averti et au courant de la question.
A noter qu'il commence à dater, certains sujets ne sont plus d'actualité comme par exemple l'accueil des mieurs qui bénéficient aujourd'hui de centres spécialisés.
Médecin-chef à la prison de la Santé - Véronique VASSEUR
C'est dans les années 1990 que Véronique VASSEUR passe pour ce qui est devait être un court séjour à la prison de la Santé, une des prisons les plus vétustes, la seule qui soit intra muros. Elle y restera finalement des années, et sera promue jusqu'à devenir médecin-chef. Tout ça en prise avec les habituelles querelles inhérentes à tout travail avec les ragots, les affinités avec les uns qu'on n'a pas avec d'autres... Dans un boulot lambda ça passe, dans un monde comme celui-ci, c'est autre chose. C'est lourd, comme l'ambiance !
Le livre dans lequel elle raconte son expérience a eu un fort retentissement, sur l'opinion publique mais également sur les politiques. En effet, cet ouvrage qui dénonce des conditions de détention complètement contraires à la dignité humaine et des conditions de travail déplorables, a permis que des politiques pénitentiaires soient mises en place pour améliorer le système alors en vigueur à l'époque.
Il est fort à parier que, dans le système que nous connaissons aujourd'hui, nombre des avancées ont été faites depuis les "actions" menées par le Dr VASSEUR et le Pr SICARD.
Ecrit avec des phrases courtes et saccadées à dessein, le livre est empreint d'un rythme qu'il est difficile de suivre, tellement on sent que l'auteur nous emmène dans sa course ; en tant que médecin, elle n'a pas une minute de répit dans ses fonctions. Elle court de partout, pour soigner untel qui s'est ouvert le doigt, un tel autre qui a tenté de se pendre, un autre encore qui s'est fait tabasser... Sans compter les malades imaginaires qui se comptent par paquet, ceux qui veulent juste parler, échanger, qu'on les écoute pour une fois...
On découvre un univers absolument déconcertant ; sans méchanceté aucune de ma part, on se croirait dans un zoo !! Les détenus sont "parqués", laissés dans leur misère, partageant leur quotidien avec des cafards et des punaises. Parfois les toilettes sont bouchés mais personne n'ose le dire... La promiscuité les tue ; pour preuve, ils sont quasiment tous constipés.
Outre le problème médical, c'est le monde pénitentiaire et son déroulement qui est mis en cause dans cet ouvrage.
A part le style volontairement écrit en phrases courtes et martelantes, l'auteur dose subtilement son quotidien, ses ressentis, ses passions "au-dehors" qui fait que ce livre est une mine d'or en termes de renseignements sur ce qu'était la Santé dans les années 1990.
On se rend compte que, quoiqu'on en sache, on se fait toujours une certaine idée de la prison, et qu'in fine on est souvent bien loin de la réalité et même de ce qu'on pouvait imaginer !
