Les Visages - Jesse KELLERMAN Ethan Muller tient une gallerie, et est toujours à la recherche du bon artiste à exposer, de la bonne série à montrer à une jet set de plus en plus avide, mais aussi toujours plus en demande et blasée.
Passionné par son travail qui, jusque là, le satisfaisait et le nourrissait de manière suffisante, Ethan est quelque peu surpris lorsque Tony Wexler, l'associé de son père, son bras droit, son ombre, son acolyte... - remplacez par le terme qui vous semble adéquat - l'informe que, dans un des logements des Muller courts, c'est-à-dire d'une propriété de la famille, ont été retrouvées des oeuvres pour le moins originales. C'est à contre-coeur que Ethan décide de s'y rendre pour, pense-t-il, simplement jeter un oeil. Ce qu'il découvrira dépassera largement ses attentes, et avant cela l'idée même qu'il pouvait un jour rencontrer un tel artiste. Car les dessins sont tout simplement stupéfiants. D'une rare beauté, d'une précision et d'une complexité telles qu'elle le laisse sans voix. Il en avait exposé des artistes, mais de cette trempe-là, jamais. Et de mettre la main sur de telles oeuvres, c'est comme si quelque part, elles étaient un peu son bébé. Car de facto, l'auteur reste introuvable. Un certain Victor Cracke, que personne n'a revu récemment, et que personne n'est capable de décrire, et en tout cas que le peu de personnes l'ayant croisé le décrivent de la même façon... Au terme d'une rapide enquête, Ethan lâchera l'affaire d'espérer un jour retrouver l'auteur de ces dessins. Et pourtant, il ne peut s'empêcher que de monter une exposition, et travaillera dur pour cela, accompagné, aidé et soutenu par son associée. Malgré quelques courriers reçus que l'on pourrait qualifier de bizarre - en ce qu'ils ne sont ni plus ni moins que des menaces à peine déguisées - Ethan tient bon et l'exposition verra le jour. A la suite de quoi il sera contacté par un ancien policier en retraite, qui l'invitera fortement à le rencontrer. Là encore réticent, Ethan finira par céder. Il se rendra compte que les dessins représentés par ce mystérieux auteur ne sont en fait que des reproductions de photos d'enfants disparus, retrouvés morts ou assassinés il y a de cela plusieurs décennies... Voilà de quoi refroidir notre galeriste, mais aussi et surtout piquer sa curiosité. Suffisamment pour qu'il reprenne l'enquête, aux côtés de ce policier en retraite et de sa fille, aujourd'hui Procureur.
Si l'intrigue tient en haleine, le dénouement en revanche laisse un peu sur sa faim. De même, à moins que j'ai lu un peu vite, certains éléments soulevés pendant l'enquête ne sont pas résolus à la fin. Par ailleurs, nombreux sont les passages creux, qui ralentissent et alourdissent la lecture et le déroulement de l'énigme. Le départ, sur les chapeaux de roue, laisse finalement place à une lecture quasi mécanique, beaucoup moins piquante et palpitante. C'est un peu déçue que je referme les pages de ce livre, dont je salue malgré tout l'écriture - simple, accessible - et les retours en arrière, qui viennent de manière salutaire, donner un peu de peps à l'intrigue.
Robe de Marié - Pierre LEMAITRE Sophie mène une existence ordinaire, celle commune à des milliers de gens, avec un travail qu'elle apprécie, un mari qu'elle aime plus que tout, une famille aimante, des projets. Rien ne semble venir menacer cet édifice, et pourtant... Progressivement, et de plus en plus souvent, Sophie oublie des choses. Ce ne sont pas de grandes choses, mais il n'empêche ; oubli d'une commande par ci, perte des clés par là, déclaration de vol de sa voiture au commissariat alors qu'elle est garée une rue plus loin... Petit à petit, au quotidien, ces oublis viennent miner le moral du couple, et Vincent son mari, lui reproche ses bévues, de plus en plus fréquentes. A tel point que Sophie se pense malade, atteinte d'Alzheimer ou toute autre maladie dégénérative... à trente ans passés, cela n'augure rien de bon.
Tout change lorsque la vie de Sophie bascule dans l'horreur, tandis qu'elle est accusée de meurtres, dont elle n'a aucun souvenir. Et pourtant...
Intense course contre la montre, ce roman à suspense dont le titre trouve tout son sens lors du dénouement, est un subtile mélange de psychodrame, de romance et de tragédie, le tout agrémenté d'une pointe d'optimisme, celui d'un personnage pugnace et têtu, prêt à aller jusqu'au bout pour comprendre et se délivrer. Une écriture riche, un style propre qui rendent possibles l'alternance entre plusieurs époques, fastes et d'autres moins, donnent du corps à cet ouvrage assurément unique.